08/08/2024 0 Commentaires
Moi, l’âne du Christ
Moi, l’âne du Christ
# Prédications
Moi, l’âne du Christ
Prédication de dimanche des Rameaux (10 avril 2022) au Temple Neuf à Strasbourg - Pasteur Rudi Popp
Les Rameaux, est-ce vraiment l’histoire de porter des rameaux ?
J’y crois pas du tout ! Il s’agit plutôt de porter le Christ !
Des Rameaux, six jours avant la fête de la Pâque juive, on sait généralement que Jésus vient à Jérusalem. La foule l’acclame lors de son entrée dans la ville ; on voit le sol comme tapissé de manteaux et de rameaux verts, formant un chemin royal. C’est en mémoire de cette image que les catholiques portent des rameaux de buis, d’olivier, de laurier ou de palmier, selon les régions. Ces rameaux, une fois bénis, sont tenus en main par les fidèles qui se mettent en marche, en procession : la marche vers Pâques du peuple de Dieu à la suite du Christ, etc.
On peut voir tout cela, mais je crains qu’on passe ainsi à côté d’un acteur essentiel de l’histoire des Rameaux. Les récits évangéliques insistent pourtant lourdement, c’est le cas de le dire : aux Rameaux, Jésus se fait porter... par un âne ! Les Rameaux, c’est le moment de l’âne : et des ânes, il y en a plein la Bible. On dirait que c’est son animal préféré !
Le Seigneur a rendu riche Abraham, nous dit la Bible, il a donné des moutons et des chèvres, des bœufs, de l’argent, de l’or, des serviteurs, des chameaux et... des ânes !
Nous l’avons entendu dimanche dernier : lorsqu’Abraham pense que Dieu lui demande de sacrifier son enfant, il part avec son fils Isaac à dos... d’âne !
Nous retrouvons Jésus, le Fils de Dieu, assis sur un âne, lorsque, justement, il va être « sacrifié » par les humains : l’âne aurait donc à faire avec l’amour de Dieu manifesté en Jésus !
Et lorsque, dans l’Exode, Moïse est parti à la rencontre de Pharaon pour lui dire « laisse aller mon peuple ! », il est parti avec sa femme et ses fils qu’il mit sur le dos d’un... âne.
Le libérateur d’Israël se déplace à dos d’âne... comme Jésus ! L’âne aurait donc avoir à faire avec le don de la liberté !
Et lorsque Dieu donne les 10 Paroles, le 10e commandement nous dit : tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son bœuf, ni son... âne !
L’âne aurait donc quelque chose à faire avec notre manière d’aimer Dieu et notre prochain...
Zacharie le prophète annonce : ton roi vient, il sera monté sur un... âne ! Pas un char, pas une berline, pas un SUV, pas une limousine, ce n’est pas là que vous allez trouver l’envoyé de Dieu. Mais sur un âne !
On ne s’y tromperait guère en disant que l’âne est vraiment au centre de l’histoire biblique !
La Bible raconte que Dieu nous rend riches... avec des ânes ; elle raconte que Dieu nous montre l’amour dont il nous aime avec un âne ; elle raconte que Dieu nous donne la liberté monté sur un âne ; elle raconte que Dieu nous apprend à aimer notre prochain grâce à un âne ; elle raconte que Jésus est le « roi » qui peut guider notre vie grâce à un âne !
Ne cherchez pas le Christ, c’est-à-dire le sens, le bonheur, la sérénité, je ne sais où, dans la réussite ou dans le succès, dans l’autosatisfaction ou dans des choses flamboyantes. NON. Vous trouverez le Christ, celui qui a dit « heureux êtes-vous », assis sur un âne !
Alors, celui qu’on voudrait voir à la fête des Rameaux, c’est l’âne ! Mais où est l’âne aujourd’hui ? Êtes-vous d’accord pour qu’on aille le chercher ?
(Le pasteur va cherche l’âne et revient avec... un miroir.)
Et oui, l’âne, c’est toi, c’est moi ; l’âne des Rameaux, c’est chacune et chacun de nous : nous sommes tous des ânes !
Nous sommes des ânes, non pas par manque de quelque qualité mentale, mais par la présence de nos oreilles : aujourd’hui, nous avons entendu l’Évangile de l’âne qui porte le Christ, et nous sommes devenus nous-mêmes porteurs du Christ. Littéralement, en grec, nous sommes des ânes christo-phores : porteurs du Christ. Par sa parole, le Christ vient habiter en nous, et nous sommes alors porteurs du Christ, réunis ici comme des ânes christophores.
Un âne peut être têtu, il ne se laisse pas toujours guider ! Or, nous sommes appelés à nous laisser guider par Jésus, à le laisser devenir « notre Christ », c’est-à-dire « notre roi », le « guide » de notre vie.
Lorsque tu ne sais plus comment tu dois agir, dis-toi : je suis un âne christophore ! Je porte le Christ, je vais me laisser guider par sa justice et son amour.
Et si tu regardes ton voisin, que vois-tu ? Vois-tu qu’il est aussi un âne ?! Aussi têtu que toi !
Mais... il est lui aussi un âne christophore : apprends à regarder l’autre comme celui ou celle qui porte le Christ avec toi ! Il est de la même fragilité que toi, mais lui aussi, elle aussi, porte le Christ.
Fais l’effort de découvrir le Christ en lui, c’est-à-dire l’amour et la justice de Dieu en lui, au moins en espérance !
L’Évangile insiste encore sur un détail particulier...
Il est bien question d’un ânon, d’un âne sur lequel personne n’est jamais encore monté. Comme si l’Évangile voulait nous dire que pour porter le Christ, il faut être « tout neuf » !
Justement, pour porter le Christ, il faut recommencer sa vie tous les matins, redevenir non pas un vieil âne mais un « petit ânon », avec tout ce que cela suppose de fragilité, de petitesse, de dépendance.
Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas la force ni la puissance qui est porteuse d’avenir. C’est lorsque nous reconnaissons notre fragilité, notre petitesse, notre misère d’humains, que nous pouvons porter le Christ et courir vers le bonheur du royaume de Dieu et sa justice.
Ce ne sera pas facile. Le chemin du bonheur n’est pas celui de la facilité. Il est celui de la croix et de la résurrection, c’est-à-dire celui du renoncement à soi pour l’amour, la justice et le service des autres.
Soyez donc des ânons en quête du Christ, alors, vous deviendrez vraiment des ânes christophores.
Car dorénavant, dans l’histoire de Dieu avec les humains, les porteurs du Christ, ce sont ses disciples, c’est-à-dire chacun d’entre nous. Pour cette fête des Rameaux, nous sommes invités à porter le Christ, à devenir des ânes christophores ! Amen.
Commentaires