L'éternité de Dieu placé au cœur de notre humanité

L'éternité de Dieu placé au cœur de notre humanité

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# Prédications

L'éternité de Dieu placé au cœur de notre humanité

Prédication du 1er janvier 2023


Fallait-il vraiment commencer l’année avec ce qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un manifeste du fatalisme ?

Tout commence avec le début de ce livre biblique dans lequel nous entendons l’autre phrase célèbre : « vanité des vanités, tout est vanité », et cela continue un peu plus loin avec « il n’y a rien de neuf sous le soleil ».

Voilà ce qui peut nous donner le sentiment que la vie n’est qu’un éternel recommencement sans intérêt, que nos gesticulations sont bien illusoires puisque, quoi que nous fassions, cela ne change rien, strictement rien.

« Après la pluie le beau temps », « la roue tourne » pourraient être d’autres manières d’exprimer la sagesse qui semble se dégager de ce texte. C’est l’idée que les jours se succèdent et qu’on n’y peut rien changer, qu’il y a une sorte de mécanique à l’œuvre dans l’histoire, sur laquelle nous n’avons aucune prise.

Toujours la même chose, l’ordre implacable des événements, avec parfois quelques grains de sable qui viennent s’immiscer mais qui ne changent pas fondamentalement la donne. Un jour on naît, on grandit, on meurt, un autre naît, grandit et meurt aussi, point. Vanité des vanités.

Sauf que « vanité » n’est ici que la traduction latine du mot hébreu « hébel » qui donnera le nom propre Abel et qui désigne la buée, la légèreté : quelque chose qui n’a pas beaucoup de consistance, mais qui évoque la fragilité plutôt que la vacuité.

Et si nous prenons conscience de ce qui suit, cette liste des temps qui donnent l’impression de se succéder, nous comprenons que Qohélet n’est pas quelqu’un de désabusé par une forme de vanité du monde et de fatalité de l’histoire, mais celui qui dit que l’homme est appelé à se réjouir de sa vie et à faire ce qui est bon.

Il ne s’agit pas de fatalité chez Qohélet car il ne développe pas une vision mécanique de l’histoire, tout au contraire. Il reconnaît la fragilité des êtres et des choses, il reconnaît la fragilité de notre existence qui est comme une buée qui peut laisser une belle empreinte ou s’évaporer sans laisser de trace.

Et le fait qu’il dise qu’il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel, c’est autre chose que s’il avait dit « il y a un temps pour toutes les choses ». Qohélet n’envisage pas notre histoire comme la succession inévitable de tous les temps dont il a fait la liste. Il exprime plutôt la conviction que toutes ces actions sont possibles, qu’elles sont réalisables, qu’elles sont comme autant d’actions à notre disposition que nous pouvons choisir ou non.

Ce poème du temps de la sagesse biblique ne nous pousse pas à adopter une vision fataliste de l’histoire. Qohélet nous invite plutôt à découvrir ce que Dieu met à notre disposition pour que nous construisions notre propre histoire en fonction de ce qui est bon et de ce qui est vivable pour nous.

Il ne faudrait pas lire ce texte comme la liste des temps qui vont nous arriver sur le coin de la figure, mais comme une palette de couleur que Dieu met à notre disposition pour nuancer notre vie.

En même temps, il peut s’averer dangereux de voir dans cette liste d’action un tableau à double entrée avec d’un côté ce qui est bien et de l’autre ce qui ne l’est pas. Cela peut nous conduire à avoir une vision divisée de la vie ou il y aurait d’un côté les scientifiques et de l’autres les littéraires ; d’un côté les croyants et de l’autre les athées ; d’un côté les pacifistes et de l’autre les belliqueux ; d’un côté les anarchistes et de l’autre les fascistes ; d’un côté les beaux et de l’autre les moches ; d’un côté les mauvais et de l’autre les bons ; d’un côté les riches et de l’autre les pauvres ; d’un côté les imbéciles et de l’autre les intelligents ; d’un côté les amis et de l’autre les ennemis etc.

Or ce n’est pas la conjonction de coordination « ou » qui structure la liste de Qohélet, mais la conjonction « et » - une conjonction on ne peut plus copulative qui associe, qui relie, qui met ensemble au lieu de diviser. Qohélet ne dit pas que la vie c’est « ou bien… ou bien », mais que c’est « et… et… ».

Qohélet est le prototype du sage biblique qui nous révèle à quel point Dieu suscite en nous la capacité d’agir librement. Qohélet veut nous faire comprendre que notre vie n’est pas entièrement soumise à une mécanique de l’histoire mais qu’elle dépend avant tout de la vision que nous en avons.

Que voulons-nous faire de notre vie ? si nous le savons, alors la promesse que Dieu nous fait, c’est qu’il nous donne la possibilité de mener notre vie vers cet horizon qu’il trace. Qohélet fait apparaître comment Dieu place en nous la pensée de l’éternité pour nous aider à nous orienter. L’éternité ce n’est pas l’immortalité, mais le fait de s’engager avec Dieu dans des actions qui participent au bien, au bénéfice de la vie.

Tout le livre Qohélet nous rappelle que toutes les occasions sont devant nous, que nous pouvons choisir. S’il se lamente qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil, ce n’est pas parce que la vie serait condamnée à se répéter à perpétuité. Il se lamente des être humains qui ne cessent de tourner en rond ou qui restent coincés dans une petite case du tableau des valeurs dans lequel ils se sont enfermés au lieu de vivre à la hauteur de cette éternité que Dieu place au cœur de notre humanité et qui nous donne le sens de chaque chose, qui nous fait aspirer aux dons les meilleurs, qui nous donne le goût de la réjouissance et du bon! Amen.

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