Ne regarde pas tes pieds quand tu marches

Ne regarde pas tes pieds quand tu marches

Ne regarde pas tes pieds quand tu marches

# Prédications

Ne regarde pas tes pieds quand tu marches



Prédication du dimanche 6 novembre 2022


C’est l’histoire d’un garçon qui se débat sur une « slackline » — ces cordes tendues entre deux arbres tout près du sol et sur lesquelles on peut ensuite se tenir en équilibre, à la manière d’un funambule. Le garçon ne réussit pas à faire deux pas sur la corde. Il glisse sans cesse et doit sauter de la corde. Voyant cela, un grand artiste de l’équilibre, un vrai funambule, donne au garçon le conseil suivant : « Ne te concentre pas sur tes pieds — regarde plutôt au loin ; là où tu veux aller ». — Et voilà : au prochain essai, le petit a déjà réussi à faire cinq pas.

Ne regarde pas tes pieds quand tu marches — regarde plutôt là où tu veux aller ! Garde le but en perspective — ou plutôt : décide d’abord d’un but, sois conscient de l’endroit où tu veux aller.

Dans la promesse du livre de Michée que nous venons d’entendre, le prophète a délibérément dirigé notre regard au loin. Il parle de jours lointains, il parle d’un temps et d’un lieu où Dieu veut aller avec son peuple et le monde entier. C’est un temps et un lieu d’accomplissement. C’est là qu’ils doivent aller.

C’est le but. C’est là que nous devons regarder.

C’est à ces images que nous devons nous orienter, c’est vers elles que nous devons nous diriger — intérieurement et extérieurement. Ces images doivent nous motiver dans notre marche en avant, dans notre équilibre sur la slackline du quotidien. Elles doivent nous aider à ne pas toujours fixer nos pieds avec anxiété et à ne pas craindre la corde sur laquelle nous nous tenons, la chute et l’atterrissage brutal sur le sol de la réalité.

Des promesses sont toujours des contre-images, des élargissements d’horizon, des images de but et d’accomplissement. Elles sont littéralement des aides à la marche qui peuvent nous préserver de certaines chutes, car elles nous permettent d’aller de l’avant, libérés, et d’oublier l’abîme sous nos pieds.

Vers quoi le prophète dirige-t-il nos regards ? Vers quel but devons-nous regarder ? La vision de Michée ressemble à une image d’Épinal : tous les peuples affluent vers la montagne sainte de Sion. Ils veulent écouter Dieu et suivre ses instructions. Ils forgent des épées en socs de charrue. La guerre n’existe plus. Et chaque être humain, vraiment chacun et chacune, est assis sous sa vigne et son figuier.

C’est l’horizon vaste, lumineux et coloré que Michée nous fait découvrir au loin. Ces images prophétiques de la promesse sont semblables aux images de rêve que nous rencontrons nuit après nuit et dont nous nous souvenons de temps en temps. Ce sont des images très éloignées dans le temps et dans l’espace de l’endroit où nos pieds se tiennent. Ces images sont lointaines et pourtant reliées à nous comme par une corde sur laquelle nous marchons vers elles.

« Le chemin est le but », entendons-nous parfois dire. Les rêves, les visions, les promesses sont au contraire le « but sur le chemin », l’anticipation intérieure en nous de ce que nous voulons atteindre, de ce vers quoi nous voulons aller, tout en sachant que nous n’y sommes pas encore.

Et c’est pourquoi ces images parviennent à nous faire lever les yeux de nos propres pieds et à nous faire marcher — parfois timidement — vers le but. En revanche, si nous ne regardons que nos pieds, si nous ne percevons que l’ici et maintenant, si nous ne faisons attention qu’à l’endroit où nous marchons et nous tenons, où nous pédalons dans la choucroute, nous pouvons être pris de vertige face à ce que nous vivons, perdre l’équilibre et tomber de la corde. La réalité peut nous perturber et nous faire perdre pied.

Et c’est justement parce que ces images prophétiques, ces promesses au sens biblique, nous aident à ne pas rester sur place et à ne pas tomber de la corde — parce qu’elles sont des aides à la marche au sens propre du terme — qu’elles ne sont pas simplement des utopies romantiques qu’il faudrait vite rejeter comme des rêves naïfs. Il faut au contraire les prendre au sérieux !

Comme le prophète Michée, nous pourrions être pris de vertige face à la violence, la guerre, les séparations et l’injustice dans ce monde. Et peut-être avez-vous parfois le vertige et glissez sur votre corde d’équilibre ?

Mais justement : Le prophète Michée n’est pas du genre râleur. Il ne s’arrête pas à la critique. C’est ainsi qu’il montre au peuple ce qu’il pourrait voir s’il levait les yeux, s’il avait devant lui le but dont Dieu rêve pour tous les peuples.

Un rêve d’unité. Un rêve de paix. Un rêve d’accomplissement pour chacune et chacun.

C’est ce que nous pouvons apprendre du prophète, ce double regard : d’une part, que nous ne fermions pas les yeux sur

la dure réalité de notre monde, sur toutes les injustices et tous les conflits qui nous font parfois perdre l’équilibre et dans lesquels nous sommes, plus que nous ne le voudrions, empêtrés. Oui, nous vivons dans un tel monde, et j’en fais partie. Il ne sert à rien d’essayer de l’occulter ou de l’enjoliver.

Mais nous devons apprendre à lever les yeux et à nous laisser remplir intérieurement par une promesse qui engage au-delà de ceux qui la reçoivent : le rêve de Dieu a déjà trouvé son accomplissement et sa confirmation en Christ. Nous pouvons nous laisser remplir par cette promesse de paix, même si, ici et maintenant, nous avons parfois du mal à y croire vraiment.

Nous pouvons nous laisser remplir par lui, parce que cet objectif nous met en mouvement. Parce qu’il nous tire au large. Parce qu’il nous permet de temps en temps de faire des pas courageux, parfois en trébuchant et en cherchant l’équilibre, peut-être même en chutant à nouveau. Mais nous les faisons quand même, ces pas vers la paix et la promesse de Dieu.

C’est pourquoi nous nous réunissons dans la foi et l’espérance de Dieu. C’est pourquoi nous sommes l’Église. Amen !

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