Est-ce que la vie chrétienne rend heureux ?

Est-ce que la vie chrétienne rend heureux ?

Est-ce que la vie chrétienne rend heureux ?

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Est-ce que la vie chrétienne rend heureux ?

Prédication du dimanche ‘Cantate’ (15 mai 2022) au Temple Neuf à Strasbourg - Pasteur Rudi Popp

Les sondages sont formels : sur tous les continents, chez les chrétiens — comme d’ailleurs chez les juifs et les musulmans —, les croyants consultent plus souvent un dentiste ; ils attachent plus souvent leur ceinture de sécurité ; ils prennent plus consciencieusement leurs vitamines. Ils boivent, fument et se droguent moins que ceux qui se considèrent comme mécréants et ils sont moins concernés par la dépression, le suicide, le crime, les jeux de hasard ou la délinquance.

Ces statistiques, dont on se demande comment ils peuvent « mesurer » le degré de spiritualité dans tout ça, veulent prouver qu’en étant croyant, on est plus attiré par l’harmonie, la vie de famille, la simplicité du bonheur d’avoir sa Bible ou son chat sur les genoux au coin du feu. La pratique religieuse ou la spiritualité favoriseraient le bien- être. Bref : le sentiment religieux devrait s’associer à un esprit ouvert, généreux, coopératif et agréable.

Rappelons d’abord que la plupart des études soi-disant scientifiques qui établissent ce type de statistiques sont construites uniquement pour démontrer les bienfaits de la religion. Aussi, ne soyez pas inquiets si vous n’avez pas vu votre dentiste depuis 3 ans, si vous n’attachez pas toujours votre ceinture de sécurité, ou si vous sortez d’une soirée bien arrosée.

Il est pourtant vrai que cet imposant catalogue de vices dont nous avons lu qu’une partie, adressée aux Colossiens — et pas qu’à eux —, faisant l’inventaire des éléments qu’il faut « faire mourir », parce qu’en tant que Chrétiens, nous sommes « morts avec le Christ aux éléments du monde », puisse nous faire frémir ou blêmir.

« Débarrassez-vous de la colère, de l’irritation, de la méchanceté, des injures, de la grossièreté ; plus de mensonge entre vous ; revêtez des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, pardonnez-vous mutuellement ; par-dessus tout, revêtez l’amour ; que règne en vos cœurs la paix du Christ ; vivez dans la reconnaissance ; instruisez-vous et avertissez- vous les uns les autres ; chantez à Dieu votre reconnaissance... »

Face à une telle charge d’impératifs, il n’est que normal d’esquiver un peu. Aussi, j’ai une hésitation spontanée par rapport à ce genre d’injonctions au bonheur : car s’il suffisait qu’on me dise « sois heureux » pour que je le sois, ça se saurait...

L’exhortation de l’épître aux Colossiens pose toutefois, en arrière-fond, une question qui ne devrait laisser personne indifférent : comment faire en sorte que la vie chrétienne me fasse du bien ? Ou plus simplement : Est-ce que la vie chrétienne rend heureux ? Et si oui, comment ça se ressent ?

Vous voyez qu’il ne s’agit pas ici d’une question de comparaison voire d’une compétition. Devant les statistiques douteuses que j’ai citées en entrée, il faut le dire d’emblée : un chrétien, une chrétienne n’est meilleur.e ou supérieur.e à d’autres simplement parce qu’il ou elle est chrétien ; mais tous les chrétiens sont censés être mieux lotis que d’autres, simplement pour vivre, ou pour vivre simplement, sans esprit de supériorité, pour « rechercher ce qui est en haut, là où se trouve le Christ », comme dit l’épître aux Colossiens.

Il ne serait donc pas très utile de prendre ces impératifs pour des injonctions. Quand vous vous dites, le matin, « Mince, il faut encore être bienveillant... », ou le soir, «Regardez-moi comme je suis humble !», ça ne va pas marcher.

Car la réalité d’une « bonne » vie en Christ ne repose pas sur une loi de moralité, mais sur la grâce de pouvoir vivre sans obligation de résultat. Le fait de vouloir garder un corps sain et une âme pure, de vivre dans le respect des autres, n’est pas un but en soi, mais la simple conséquence d’être « dépouillés du vieil homme », d’avoir « revêtu l’homme nouveau », « d’être renouvelé à l’image de son créateur ».

Comment ça se passe donc dans l’esprit d’un chrétien pour qu’il résiste aux tentations et aux voies d’égarement qui le harcèlent sans cesse ? Comment le « costume de l’homme nouveau » nous aide-t-il à franchir les obstacles qui parsèment le chemin ? N’y a-t-il pas une explication psychologique quand même pour ce comportement idéal que l’épître aux Colossiens décrit ?

Certains psychologues parlent en effet d’une forme d’émotion positive qui est provoquée par la parole de grâce. Ils ont notamment montré que la joie de vivre sans obligation de résultat, ou le recueillement régulier, favorisent les comportements d’entraide et permettent de penser de façon plus flexible. Ce type de psychologie dite « positive » ne s’intéresse pas qu’aux maladies mentales et à ce qui rend l’homme malheureux, mais essaye de comprendre ce qui le rend heureux.

Les émotions positives auraient alors deux caractéristiques : elles élargissent l’esprit et le champ des comportements possibles, de sorte qu’au fil du temps, elles permettent de construire les ressources nécessaires à un bien-être durable.

Ainsi, des études ont montré que les émotions positives — la joie, le plaisir, l’enthousiasme, etc. — engendrent une ouverture et une flexibilité cognitives qui se traduisent de plusieurs façons : on est attentif à de nombreux événements, on est plus créatif, flexible, dynamique, tolérant, ouvert aux nouvelles expériences et informations, et on a davantage tendance à se faire des amis. Une spirale positive est enclenchée.

Il faut donc avoir le courage de poser la question : est-ce que notre vie d’Église favorise des émotions positives ? Est-ce que la participation au culte attise ma force intérieure, sur laquelle je peux m’appuyer ensuite pour agir dignement ?

Finalement, ce n’est peut-être pas si absurde de reconnaître à la spiritualité biblique une forme d’éducation au self-control, pour apprendre à maîtriser mes émotions et prendre sur moi - au lieu de casser la gueule au type qui vient de me piquer la place sur le parking. La pratique chrétienne pourrait-elle stimuler une espèce d’autorégulation, qui m’incite au choix d’actions un peu pénibles sur le coup, mais bénéfiques à long terme, comme repeindre la cuisine au lieu de se vautrer mollement sur le canapé ?

Ce n’est donc pas la simple exigence de règles de comportement, ou, encore pire, la peur d’un Dieu-surveillant, qui ferait fonctionner la vie bonne ; c’est plutôt la méditation biblique, la prière et la rencontre qui activent chez le « pratiquant » des zones cérébrales impliquées dans le contrôle des émotions.

Savoir que Dieu nous veut heureux, qu’il nous a créés pour la joie, aide à passer aussi par les zones grises et même les vallées sombres de la vie. La joie est l’expérience d’une plénitude de sens qui ouvre un avenir, tous les matins. Elle implique la totalité de l’existence humaine. Cette joie est liée aussi à l’expérience de la rencontre avec l’autre, qui n’est plus à mettre dans des cases : « il n’y a plus Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave, homme libre, mais Christ : il est tout et en tous. »

Lorsque nous célébrons cette foi de Dieu, la joie s’exprime notamment par le chant. Se voir et s’entendre ensemble chanter, au culte, même si l’on ne chante pas forcément juste, est la source d’une joie communicative.

Cela ne veut pas dire, bien sûr, que le chrétien ne connaît plus la tristesse ou les douleurs. Mais la joie du Christ habite une vie « cachée en Dieu », comme dit l’épître, la vie de celui qui sait qu’il est aimé au-delà de toutes les amours possibles.

C’est pour cette raison que, dans le Nouveau Testament, la joie est aussi un commandement : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous ». C’est comme s’il fallait s’exercer à la joie, pour vaincre l’esprit de tristesse qui nous menace toujours, mais aussi parce que nous ne pouvons pas priver le monde de la simplicité de cette joie qui jaillit de la foi de Dieu. Amen !

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