08/08/2024 0 Commentaires
De Dieu, nous avons tout à apprendre
De Dieu, nous avons tout à apprendre
# Prédications
De Dieu, nous avons tout à apprendre
Prédication du 2e dimanche apr. la Trinité (26 juin 2022)
On n'a pas souvent de deuxième chance dans la vie ; et pourtant, on dit que la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue s'il n'y avait pas de deuxième chance. Une chose est sûre : Vous n'aurez jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression.
Faut-il le rappeler : la première impression que nous avions de cette figure ‘Jonas’ n’était pas bonne. Suite à l’appel de Dieu, « Jonas se leva, mais pour fuir à Tarsis, hors de la présence du SEIGNEUR. » La première impression que j’ai de Jonas est celui d’un humain qui fuit Dieu parce qu’il le prend pour quelqu’un qu’il n’est pas.
Mais voilà, après l’épisode du psaume de conversion chanté dans le ventre du poisson, Jonas est recraché sur la rive d’une nouvelle vie. Aujourd’hui, c’est le jour de sa deuxième chance.
« La parole du SEIGNEUR s’adressa une seconde fois à Jonas : ‘Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l’oracle que je te communiquerai.’ Jonas se leva et partit, mais – cette fois – pour Ninive, se conformant à la parole du SEIGNEUR. »
Jonas se laisse donc offrir une deuxième chance, et sa volonté de se conformer à la parole de Dieu ne peut que susciter une forme d’indulgence, et nourrir l’attente que cette fois-ci, tout va bien se passer comme Dieu le commande : Jonas avait à peine marché une journée (dans la gigantesque ville de Ninive, en proclamant sa ‘mise sens dessus dessous’) que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu’aux petits ; le roi de Ninive se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d’un sac, s’assit sur de la cendre et proclama l’état d’alerte...
Dieu, à travers Jonas, annonce une ‘mise sens dessus dessous’ qui conduit à l’état d’alerte : voici l’image biblique d’une conversion radicale. La crainte du jugement de Dieu qui renverse tout débouche sur une vie de pénitence, vétue d’un sac et en état d’alerte.
Cette image-là - après celle du poisson, ou si vous préférez le texte grec, de la baleine - est le deuxième archétype que le livre de Jonas a laissé à l’humanité. Dieu est juge ; il juge le mal ; ce que fait l’humain est mal à ses yeux ; quand son jugement est prononcé, le monde est mis sens dessus dessous ; devant ce Dieu-juge, la seule chance de l’humain est de changer radicalement et vivre une vie de pénitence ; car, est-il sous- entendu, il n’y aura pas de deuxième chance devant Dieu.
Bref : Jonas, bénéficiaire d’une deuxième chance, annonce à l’humanité de Ninive qu’il n’y en aura pas pour eux. Pas très crédible, vous ne trouvez pas ? Car il faut bien faire remarquer que ce n’est pas Jonas qui croit à la possibilité d’une seconde chance ; pour lui, le jugement divin est prononcé, il est définitif et incontestable, et sera donc exécuté : « Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous ». Point. Pas de révision possible. C’est seulement le roi qui envisage une instance d’appel, et une annulation du jugement fatal : « Qui sait ! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace ; ainsi nous ne périrons pas... »
C’est donc comme si Jonas confirme la mauvaise première impression qu’il a laissé, impression d’un homme qui ne connaît pas son maître, qui prend Dieu pour quelqu’un qu’il n’est pas. Jonas vient de rater sa deuxième chance ! C’est le roi de Ninive qui devient réellement le prophète d’un Dieu de relation, qui nous fait découvrir un Dieu qui n’est pas celui pour qui on le prend couramment, c’est-à-dire qui n’est pas celui pour qui Jonas, le prophète officiel, le prend !
Jonas confirme que sa conversion, chantée idylliquement et idéalement dans les profondeurs de la mer des ténèbres, dans le ventre du poisson, n’en était pas une. A nouveau, la réplique de Jean-Yves Leloup à ce « psaume des profondeurs » sonne juste : « On dit parfois de Dieu qu’il se retire, qu’il nous quitte. Ce n’est pas Dieu qui nous quitte, ce sont nos illusions, nos projections. On ne perd pas la foi ; au contraire, on commence à y entrer en perdant toutes croyances, en laissant les appuis de nos représentations. »
Une conversion ne devrait pas augmenter les croyances, mais elle devrait faire perdre nos illusions, nos projections. Pour Jonas, cela n’a pas eu lieu : sa prétendue conversion ne l’empêche pas de parler mal de Dieu, de parler d’un faux dieu, d’une idole : voici le message plutôt effarant du 3e chapitre du livre de Jonas.
Face à cette lecture, je vous avoue que je trouve d’autant plus curieux le fait qu’une grande partie de la chrétienté passe toujours son temps à admirer des conversions, non pas parce qu’elles font perdre des illusions et des projections, mais parce qu’elle augmentent des croyances ! Je crains que la chrétienté aussi ait longtemps, et continue encore, proclamé cet archétype de Dieu que le livre de Jonas, et la Bible toute entière, vient ici démonter et mettre sens dessus dessous : que Dieu soit un terrible juge ; que, quand son jugement serait prononcé, le monde serait mis sens dessus dessous ; que, devant ce Dieu-juge, la seule chance de l’humain serait de changer radicalement et vivre une vie de pénitence ; car, est-il sous-entendu, il n’y aura pas de deuxième chance devant ce Dieu...
Je retiens aujourd’hui de cette parabole une chose essentielle : De Dieu, nous avons constamment tout à apprendre, quel que soit notre état de croyant, de converti, dé- converti, chrétien ou athée par conviction ou par convention.
De Dieu, nous avons tout à apprendre.
Et la pire erreur, qui est régulièrement faite dans nos familles, avec nos enfants, dans notre société même, c’est donc de ne pas en parler, de faire de la question de Dieu un tabou ou un interdit. Si de Dieu, nous avons tout à apprendre, le mutisme théologique, qui est parfois brandi comme « respect des convictions de chacun », est réellement une faute lourde : ce mutisme laisse s’insinuer et s’installer une image catastrophique de Dieu dans les coeurs et les têtes. Celui qui tait la question de Dieu accepte que l’idole se propage.
Oui, il faut parler de Dieu, ne pas se satisfaire des conversions ni vers telle croyance, ni vers telle incroyance, car «dans le domaine de la foi comme dans celui de l’amour et de la connaissance, nous n’avons que des illusions à perdre. » Amen !
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