Comment “ici” peut devenir “ailleurs”
L’avenir du christianisme est, depuis ses origines, tendu entre un « ici » et un « ailleurs » : le Christ est-il venu pour rester ou pour revenir ? Jésus a-t-il vécu pour le « déjà » ou le « pas encore » ? L’espérance chrétienne, est-ce une manière de se dérober à la réalité d’ici-bas ?
Une blague pas vraiment subtile raconte qu’un prédicateur inspiré sait, sublimement, construire des forteresses dans les cieux ; que les bons croyants, merveilleusement, y emménagent ; et que, miraculeusement, l’Église encaisse le loyer ! — À travers le trait d’humour, une idée reçue sur la religion, aussi vieille que la religion, se manifeste : croire, ce serait investir dans un faux « ailleurs », qui de surcroît serait une supercherie organisée à but lucratif ici-bas. L’opposition entre « ici » et « ailleurs », inscrite dans l’idée de l’espérance, est alors ramenée à la dérobade : qui envisage un ailleurs, prépare sa fuite d’ici, rêvant à se dérober aux lieux communs de la réalité terrestre.


Cet éternel soupçon vis-à-vis du « spirituel » n’est certes pas toujours injustifié. Des « religions de fuite », il y en a (eu) en tout temps. Or, pour ce qui est de la tradition biblique, l’idée d’un « ailleurs » n’efface pas l’attachement au temps et au lieu présents. Selon la Bible, croire, c’est pleinement être « ici », tout en recevant son identité d’ailleurs. Être « ici » en Christ signifie donc « venir d’ailleurs », plutôt qu’aller (se réfugier) dans un lieu imaginaire. Le christianisme n’abandonne pas l’ici pour un ailleurs chimérique, mais remplit l’ici d’un sens qui vient — qui ne peut venir — d’ailleurs.
L’espérance chrétienne transforme « ici » en un « ailleurs » par l’ouverture du tombeau de l’identité humaine, en l’inscrivant dans un devenir, vécu comme à-venir. La puissance de vie de l’ailleurs de Dieu n’est autre que ce désir d’être vivant ici, jusqu’à – et à l’encontre de –
la mort. Voici le matin de Pâques !
Bien à vous,
Pasteur Rudi Popp